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Le 29 mars 2021

'Lhyfe', producteur d’hydrogène vert

Union régionale des CPIE (Centres permanents d'initiative pour l'environnement)

ACTUALITÉS

'Lhyfe', producteur d’hydrogène vert : la licorne qui voulait éviter un milliard de tonnes de CO2

08/02/2021 (MIS À JOUR À 06:45)

Par Annabelle Grelier

La start-up nantaise est pionnière dans la technologie pour industrialiser la production d’hydrogène à partir d’énergies renouvelables pour les véhicules à pile à combustible. Sa première usine est en cours de construction à Bouin, en Vendée. 40 autres sont à venir d’ici 2023 en France et en Europe.

Le chantier de la première usine de production d'hydrogène vert Lhyfe à Bouin en Vendée. 2020• Crédits : Lhyfe

L’hydrogène aura un rôle essentiel à jouer dans la décarbonation de l’industrie, disait très enthousiaste dans son rapport annuel l’Agence Internationale de l’Énergie. L’Union européenne a lancé en juillet dernier un ambitieux plan de 180 milliards d’euros pour développer l’hydrogène afin qu’il représente 12 à 14 % de son mix énergétique en 2050. Quand en France, le gouvernement promet dans son plan de relance de dépenser plus de sept milliards d’euros sur dix ans pour en développer la production.

L’hydrogène n’est toutefois pas une découverte, la France en consomme chaque année près de 900 000 tonnes. Le gaz est quasi exclusivement utilisé pour le raffinage des produits pétroliers, la production d’ammoniac utilisé pour les engrais azotés ou encore celle du méthanol destiné à la production de plastiques. Très controversée parce que polluante, 95% de l’hydrogène est produit aujourd’hui à partir d’usine à charbon ou à gaz. 

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"Nous, on est pas là pour les euros, on est là pour nos enfants." affirme le PDG de cette jeune pousse. Retour sur son développement avec Annabelle Grelier.

Un carburant d'avenir

Ancien directeur au Commissariat à l’énergie atomique de Loire-Atlantique, Mattieu Guesné dirigeait il y a encore trois ans un laboratoire de recherche qui travaillait sur le stockage des énergies renouvelables. Il se rend compte à cette occasion que si l’hydrogène a un véritable intérêt en matière de mobilité propre, il est assez peu disponible sur le territoire, son prix est peu compétitif et personne ne le produit de manière écologique. Il y a donc une place à prendre. Persuadé que l’hydrogène vert, c’est-à-dire produit à partir d’énergies renouvelables, est un carburant d’avenir, il entraîne avec lui quelques collègues et monte en 2017 sa propre start-up : Lhyfe.

Notre technologie nous permettra de proposer un plein d'hydrogène au même prix qu'un plein d'essence assure Matthieu Guesné le PDG de Lhyfe

Produire de l’hydrogène avec des éoliennes, c’est produire un carburant avec de l’air qui sera consommé par des véhicules qui ne rejetteront par leur pot d’échappement que de l’eau, c’est donc pour la première fois un cercle complètement vertueux, assure enthousiaste Matthieu Guesné. 

Dans un premier temps, Lhyfe vise à décarboner les bus des transports en communs et les bennes à ordures ménagères du ramassage des poubelles des agglomérations, comme celle de la Roche-sur-Yon.

Licorne en hypercroissance

Début 2020, Lhyfe a réussi une levée de 8 millions d’euros auprès de collectivités locales et d’entreprises privées de la région. Elle a également bénéficié de 2,7 millions d’euros d’aides de BPI France.

La construction de sa première usine de production d’hydrogène vert a été lancée en septembre dernier sur la commune de Bouin, en Vendée. Elle doit alimenter plusieurs dizaines de véhicules lourds dans les Pays de la Loire. A terme, chaque département devrait être doté d’au moins une usine estime le PDG de Lhyfe, qui assure avoir déjà enregistré plus de 40 commandes de construction de site en France. 

L'équipe de Lhyfe à ses débuts, des ingénieurs qui pour moitié travaillaient au Commissariat de l'Energie Atomique de Loire Atlantique

Il y a dix-huit mois, on était 8. Aujourd’hui, on est 35. Il y a dix-huit mois, on avait 5 projets. Aujourd’hui, on en a 40. Notre start up grandit à la même vitesse que les licornes que tout le monde connait, comme Tesla ou SpaceX. Nous connaissons cette même hypercroissance. Notre objectif n’est pas d’être valorisé à hauteur d’1 milliard d’euros mais d’être la première licorne verte à avoir éviter 1 milliard de tonnes de CO2 affirme optimiste Matthieu Guesné, le PDG de la société.

Pour contenir ce développement rapide, Lhyfe a déjà ouvert une filiale en Allemagne. Car la demande est énorme, particulièrement chez nos voisins d’outre-Rhin dont le plan hydrogène qui dépasse les 9 milliards d’euros prévoit de déployer un réseau de plus de 400 pompes à hydrogène sur tout le pays.

Maîtriser l'intermittence 

La première usine en Vendée est en cours de construction, elle doit être opérationnelle en mai prochain. Cette usine pilote représente 6 millions d’euros d’investissements pour un site qui s’étend sur 4 000 mètres carrés dédiés pour moitié à la Recherche et Développement sur l’hydrogène et pour l’autre moitié la production.

Maquette d'illustration de l'usine au réseau de distribution.

L’innovation de l’équipe d’ingénieurs de Lhyfe est d’avoir mis au point une technologie qui permette de produire de l’hydrogène à partir d’énergies renouvelables, énergies par définition intermittentes et beaucoup plus difficiles à maîtriser que l’énergie puissante et constante comme l’électricité fournie par le nucléaire ou les énergies fossiles, précise Nolwenn Belleguic, associée chez Lhyfe en charge des Ressources Humaines. 

Nous avons inventé une usine à gaz capable de tourner avec une énergie qui n’est pas stable. Ce qui est très compliqué parce que justement produire de l’hydrogène à partir d’électrolyse de l’eau nécessite une énergie entrante constante. Cela passe par un travail sur l’assemblage des équipements et sur l’utilisation de nouvelles technologies.

La start-up a mis au point ses propres pièces d’électrolyseurs, de compresseurs et de purificateurs pour adapter le procédé de fabrication à l’intermittence de l’énergie entrante produite par les 3 éoliennes, le tout piloté par un algorithme qui gère la sûreté des stocks. 

Nolwenn Belleguic, associée chez Lhyfe, n’en dira pas plus. La course mondiale à l’hydrogène vert est lancée et tout pionnier doit savoir protéger ses secrets industriels.

S'intégrer à l'environnement

Même s’ils sont des énergéticiens et qu’ils n’ont pas envie d’entrer dans la polémique autour de l’hydrogène, l’équipe de Lhyfe ne peut éviter d’avoir à répondre aux interrogations des ONG et experts qui estiment aujourd’hui l’hydrogène peu fiable voire nuisible et même dangereux pour l’environnement, comme ses milliers d’hectares de forêts que l’on prévoit d’abattre pour y installer des champs de panneaux solaires pour alimenter des usines de production d’hydrogène vert.

Dans notre usine en Vendée qui est près de l’océan, on a des éoliennes qui tournent avec du vent de mer et on utilise de l’eau de mer. Dans d’autres projets, on utilisera de l’énergie solaire mais aussi de l’énergie l’hydraulique, on peut utiliser aussi de l’eau de pluie. Notre technologie nous permet de nous adapter à notre environnement et pas l’inverse. On s’intègre aux contraintes environnementales. On ne s’impose pas, on s’intègre à la nature, explique Nolwenn Belleguic.

Le développement économique que permet l’hydrogène est en effet évident. Reste à savoir si l’intérêt écologique le sera aussi.  

On n’impose pas notre technologie, on l’intègre à la nature assure Nolwenn Belleguic

L’objectif de Lhyfe n’est pas d’installer des éoliennes partout, surenchérit le PDG Matthieu Guesné. Les énergies fossiles comme le pétrole sont aujourd’hui dépassées selon lui et il faut utiliser les infrastructures qui existent comme recycler les 400 stations-services à essence le long des autoroutes en France ou encore transformer les plateformes de forage en mer en station hydrogène. Un projet déjà dans les cartons de Lhyfe qui prévoit pour 2022 la construction d’une première plateforme flottante de production d’hydrogène off-shore.

Annabelle Grelier